Depuis le début de la semaine, je vois passer sur les réseaux sociaux, dans les journaux et sur de nombreuses chaînes d’informations que les profs sont des décrocheurs et qu’ils sont aux abonnés absents voir même qu’ils ne veulent pas retourner en classe.
Alors aujourd’hui, je voulais m’exprimer sur le sujet et dire à quel point c’est blessant de faire une généralité pour quelques profs qui n’auraient pas assuré leur rôle. C’est tellement facile d’interroger les mauvaises personnes.
Comme si nous avions eu le choix, comme si on nous avait demandé notre avis, comme si nous étions responsable de cette situation.
Le jeudi 12 mars au soir, Emmanuel Macron nous a annoncé comme à tous les citoyens de France, que les écoles allaient fermer. Ce soir là, notre réaction n’a pas été : « chouette alors ! ». Non, nous avons comme tout le monde été secoués par cette nouvelle et nous avons dû rapidement réagir. Le soir même, j’ai réfléchi à comment assurer cette continuité pédagogique. Il a fallu prévenir les parents. Je les ai rassemblés le 13 mars à midi dans ma classe pour une réunion express, pour les rassurer et pour leur dire que non leurs enfants n’étaient pas en vacances anticipées et qu’ils devraient continuer l’école à la maison. Mais aussi, pour leur dire que je serai toujours là pour leurs enfants et que je n’allais pas les abandonner. Je leur ai donné rendez vous le lundi suivant pour venir chercher une pochette avec du travail papier.
Tout au long du confinement total appris ce même jour le lundi 16 mars, nous, professeur, nous avons dû innover et modifier nos pratiques. Nous avons dû pour certains investir dans du matériel numérique car il ne faut pas croire que l’éducation nationale nous a fournir un ordinateur, un téléphone et un forfait internet. Nous avons utilisé nos propres moyens pour faire avancer nos élèves. Nous avons réalisé des vidéos de leçons ou pages d’exercices pour les guider sur YouTube, nous avons réalisé des visioconférences sur la classe virtuelle (quand ça marchait) ou Klassroom qui a été durant cette période extrêmement proche des besoins des enseignants en augmentant massivement leurs serveurs et cela gratuitement. Nous avons continué nos réunions en visio également afin de s’adapter au mieux aux besoins des familles. Certains ont pris leurs voitures et leurs vélos pour porter le travail aux familles qui n’avaient pas les moyens de se connecter.
Le plus dur a été de garder le contact avec les élèves tout au long du confinement. Nous avons donné parfois nos numéros de téléphone personnel dépassant largement les heures de l’école pour les appeler ou communiquer par Whatsapp et nous avons dû innover pour corriger les copies renvoyées par nos élèves souvent photographiées. Je les ai tous appelés un par un pour leur souhaiter de bonnes vacances de printemps. Nous espérions nous retrouver après celles ci.
Mais ce que tout le monde a oublié, c’est que nous aussi, nous avons des enfants à faire travailler à la maison, que nous aussi nous sommes en télétravail et que malgré tout ça, nous continuons de préparer notre classe et de proposer du travail à nos élèves. Il a parfois fallu différencier pour certains élèves fragiles ou bien s’adapter aux enfants avançant plus vite. Nous avons dû continuer de leur apprendre des choses car nous ne pouvions pas rester que sur des révisions tout ce temps.
Puis est arrivée l’annonce du président sur le déconfinement progressif et la réouverture des écoles sur tout le territoire selon un protocole bien précis. Certaines mairies ont décidé de ne pas rouvrir les écoles et notamment dans les zones rouges ou bien parce que le protocole n’était pas applicable.
Et oui, le ministre de l’Education Nationale nous demande d’accueillir 15 élèves par classe avec 4 mètres carré par élève, des fléchages dans toute l’école pour que les groupes ne se croisent pas, le port du masque obligatoire pour l’enseignant mais pas les élèves puis finalement pas obligatoire mais conseillé et surtout des horaires complètement décalées pour que les familles ne se croisent pas. Des remaniements extrêmement compliqués dans certaines classes très petites.
À l’heure actuelle, je ne suis toujours pas retournée en classe et sur mes 14 élèves de CP, une seule va y retourner lundi prochain car la maman n’arrive plus à la faire travailler. Sur tous CP de l’école seulement 10 sur 64 sont présents en classe avec deux de mes collègues. La peur réside encore chez de nombreuses familles et ils préfèrent continuer à la maison et attendre que l’été passe pour remettre leurs enfants à l’école en septembre. Moi ? Je fais partie des personnes vulnérables et je protège mon fils de 4 ans encore plus fragile que moi. Quelque part, même si cela n’avait pas été le cas, je n’aurai jamais remis mes enfants à l’école parce que moi aussi j’ai peur. Je n’ai pas peur pour moi, je n’ai pas peur de l’école mais peur des autres et de ceux qui ne respectent pas les gestes barrières et qui font comme si tout allait bien et que le covid19 s’était évaporé dans la nature.
Nous avons toujours été là, nous les profs, à notre façon, en classe ou à distance, pour continuer la classe, pour soutenir nos parents d’élèves qui sont à bout de nerfs et à bout de force face à cette situation. J’ai récupéré des élèves supplémentaires à distance en classe de CM1 pour les aider si le besoin s’en ressentait et pour soutenir les élèves en distanciel. Les enfants n’ont plus envie de travailler et sont épuisés comme chaque fin d’année parce que oui, nous avons continué de travailler.
Le matin, nous nous levons, nous faisons l’école à la maison, je reçois et corrige les travaux de mes élèves et les encourage à poursuivre. Les trois dernières semaines seront moindres en travail parce que je sais qu’ils sont épuisés et je suis fière de mes élèves et de tous ces parents qui ont fait de leur mieux pour les faire progresser.
Alors aujourd’hui, j’ai envie de dire à tous ces journalistes, allez interroger les bonnes personnes !
J’ai retenu les seuls remerciements de mes parents d’élèves et comme à mon habitude, je n’attendrais aucune reconnaissance de quelqu’un d’autre.
J’ai été, je suis et je serai toujours là pour mes élèves.
Non, nous n’étions pas prêts….mais nous avons fait en sorte de l’être et pas grâce à notre ministère !
Lollie, une maîtresse déçue
La classe de Lollie sur les réseaux sociaux